« Je représente l’humanité telle que ses maîtres l’ont faite. L’homme est un mutilé. Ce qu’on m’a fait, on l’a fait au genre humain. On lui a déformé le droit, la justice, la vérité, la raison, l’intelligence, comme à moi les yeux, les narines et les oreilles ; comme à moi, on lui a mis au cœur un cloaque de colère et de douleur, et sur la face un masque de contentement. »
Ce qui m’intéresse, c’est le phénomène du rire noir, du rire pervers ou factice. Phénomène qui traverse d’un bout à l’autre l’œuvre de Hugo. Parce qu’on y voit le peuple comme défiguré par son consentement tacite et forcé à un pouvoir tyrannique et usurpé, consentement ne pouvant se manifester de manière plus prenante que par la joie, le rire et le sourire : « Le meurt-de-faim rit, le mendiant rit, le forçat rit, la prostituée rit, l’orphelin, pour mieux gagner sa vie, rit, l’esclave rit, le soldat rit, le peuple rit ; la société humaine est faite de telle façon que toutes les perditions, toutes les indigences, toutes les catastrophes, toutes les fièvres, tous les ulcères, toutes les agonies, se résolvent au-dessus du gouffre en une épouvantable grimace de joie. »
Du pain et des jeux, en somme : allégresse générale au milieu des souffrances et de la cruauté.