C’est presque un emblème de ce que nous aimons. Une metteure en scène raconte sa vision, radicale, d’une pièce dite classique (Les Trois Sœurs), et elle le fait au bord des larmes (comme dirait Tchekhov dans La Cerisaie) et de la peau. Christiane Jatahy vous fait vivre une double expérience comme si vous étiez une autre, un autre. Changer de point de vue en passant du théâtre au cinéma. Vous voyez une fois la pièce, et une fois le film de la pièce, monté en direct par Christiane Jatahy. C’est deux fois la même histoire.
Mais tout est différent. Comme dans la vie. Je vois ce détail, un sourire ou un sanglot qui m’avait échappé, et tout change. Jatahy est si proche de Tchekhov, des brisures dérisoires, des rires interrompus, et elle est aussi au plus près d’elle-même, de ce qui la touche. Nous y avons vu d’impossibles possibles, les rêves que l’on n’a pas le courage de vivre, et aussi les rires d’une soirée dont on ne sait plus si elle était si joyeuse ou si mélancolique. Nous aimons ce doute, ce double.
Un film ET un spectacle. De loin ET de près. À Moscou ET pas à Moscou. À la Comédie ET au cinéma Cinerama Empire.
Opération 2 x 3 Sœurs:
À la Comédie, cette saison, les sœurs se démultiplient. Deux fois trois sœurs. Deux lectures contemporaines, intrinsèquement différentes, d’un même texte, ou tout au moins d’une même intrigue. Deux artistes, l’une brésilienne et l’autre russe, qui posent leur patte – radicale – sur un monument de notre répertoire. Deux spectacles qui réécrivent, chacun à sa manière – presque antinomique – ces pages de notre mémoire théâtrale.